Synopsis, 1ère partie
Le Sultan Djem, appelé Zizim par les Français, Djem par les Anglo-Saxons, parfois Gem, Jem, Zizimi, Jem sultan, Jem Zizim, voire Jem, évoque pour beaucoup un prince de légende.
Et pour cause ! On trouve, dans le destin surprenant de ce prince du XVe siècle, tous les ingrédients d’un film de fiction ou d’un excellent policier : guerre, trahison, prison, fuite, amours, meurtres, poison, intrigues en tout genre… Et l’action se termine en apothéose, au sein même du Vatican, avec l’insolite orchestration de notre Saint-père le pape.
Avec son Djem, un prince dans la tourmente, Maurice CARON, auteur en 2006 de la Chronologie des Hospitaliers, signe en 2010 un ouvrage de référence issu d’une recherche historique approfondie.
Les amoureux d’histoire et de sensations fortes peuvent désormais suivre pas-à-pas le parcours de Djem, aussi appelé le prisonnier de Bourganeuf.
De Konya où il gouvernait depuis l’âge de douze ans le Karaman tandis que son frère Bajazet dirigeait les provinces Occidentales de l’Empire, aux luttes fratricides à la mort du Conquérant, nous suivons Djem, devenu sultan d’Anatolie, tenu de se réfugier sur l’île des puissants chevaliers de Rhodes, en terre chrétienne. S’appuyant sur le « droit de passage » qui lui a été accordé par le grand maître Pierre d’Aubusson, il y est reçu avec magnificence par les moines-hospitaliers qui plaident sa cause, et même l’encouragent à reconstituer une armée en Europe afin de rentrer, par voie de terre, dans l’empire et reprendre son bien : le trône de ses ancêtres. Bien légitime nul n’en peut douter, car le prince Djem est, des deux fils survivants du Conquérant de Constantinople, seul à être né « dans la pourpre ».
Et pourtant…
Extrait de « Djem, un prince dans la tourmente »
16 Mai 1481
…Pendant ce temps, en Asie Mineure, au sud de l’Empire, la nuit vient de tomber sur Konya. Comme à son habitude, prolongeant son repas du soir, Djem est entouré de ses fidèles amis poètes et musiciens, parmi lesquels Haider, son garde des sceaux, et Saadi, son defterdar. Au son d’une harpe ou d’un luth à six chœurs que tente désespérément d’accorder le prince, tantôt ils improvisent, tantôt ils clament, l’alcool et la longue pipe à eau aidant, le refrain d’une ballade ou d’un poème de leur composition. Certains, semi-allongés sur de confortables coussins, sont sur le point de sombrer dans un profond sommeil, lorsqu’un garde s’approche du maître, obséquieux :
– Seigneur, un cavalier porteur d’un pli urgent vient d’arriver.
– Eh bien, si c’est important, qu’attends-tu ?
Le messager est déjà là, courbé, couvert de sueur et de poussière. Djem parcourt la missive ; un court instant son regard devient pensif, puis se durcit. La musique s’est arrêtée, comme pour marquer l’intensité de la circonstance. Chacun sent, à la gravité du maître, la solennité du moment.
– Il n’y a pas de date. Depuis quand es-tu parti ?
– Le malheur est arrivé le 4 rebioul, Seigneur. Le grand-vizir Mehmed Pacha, voulant que tu sois le premier informé, a essayé de cacher l’événement afin de gagner du temps.
– Alors, pourquoi arrives-tu si tard ?
– Deux coursiers sont partis avant moi, Seigneur. Ils ont été tous deux arrêtés et exécutés par Sinan-Pacha. J’ai pris la route voici treize jours, cinq jours après la mort de ton père le Grand Seigneur, qu’Allah lui ouvre grandes les portes du paradis ! Puis il m’a fallu éviter la région de Kütahya.
Le silence se fait, interminable. Le prince Djem, à l’évidence, réfléchit, mesure l’étendue de la catastrophe. Du regard, il cherche dans l’assistance un soutien, une issue.
– Et que s’est-il passé durant ces cinq jours ?
– Les janissaires se sont révoltés ; ils ont tué le grand-vizir, lequel ne voulait que ton bien Seigneur, et le lendemain, Korkoud a été déclaré général de l’Empire.
– Bien, va en cuisine, tu dois avoir faim, puis repose-toi.
Après un nouveau moment de réflexion respecté par tous les convives, Djem proclame calmement :
– Mes amis, mes frères, qu’on aille quérir incontinent mes conseillers, mes vizirs, mes lieutenants généraux. Dans une heure se tient un conseil. Vous l’avez tous compris : le Conquérant nous a quitté et mon frère doit avoir plus d’une semaine d’avance sur nous ; il s’est donc, à l’heure présente, emparé du trône d’Osman et le corps des janissaires lui est d’ores et déjà acquis. J’ai besoin sans tarder de tous les avis. Que le Dieu Tout-Puissant nous soit clément et que mon père, Mehmet, repose en paix !
Citation célèbre
Le sultan Djem-Zizim a été loué, encensé par les plus grands auteurs français : Lamartine, Voltaire, Bossuet, Hugo lui-même, tous ont chanté sa noblesse, pleuré sa destinée.
Zizimi, soudan d’Egypte, commandeur
Des croyants, padischah qui dépasse en grandeur
Le césar d’Allemagne et le sultan d’Asie,
Maître que la splendeur énorme rassasie
Songe : c’est le moment de son festin du soir ;
Toute la table fume ainsi qu’un encensoir ;
Le banquet est dressé dans la plus haute crypte
D’un palais bâti par les vieux rois d’Égypte…Victor Hugo, La légende des siècles.